J'ai été voir "Thalathoun"


Je ne vais pas parler de ce film d'un point de vue artistique ou technique, d'ailleurs je ne suis pas une critique ciné..
"Thalathoun", comme son nom l'indique nous plonge dans la Tunisie des années trentes, à travers les destins croisés de cinq jeunes tunisiens : Mhamed Ali El Hammi, père du syndicalisme tunisien et fondateur de la première organisation ouvrière autochtone ; son cousin Tahar Hadded, militant opiniâtre de la liberté et des droits de l’homme, précurseur du Code du Statut Personnel, qui, par ses écrits, a invité l’ensemble du monde musulman à réformer la condition de la Femme dans la société, Belgacem Chebbi, qui a renouvelé la poésie, réfléchi à la posture du poète et à son engagement et instauré un rapport nouveau à la langue, Ali Douagi, nouvelliste et essayiste appartenant au groupe contestataire et fondateur d'un des rares mouvements culturels tunisiens, le groupe "Taht Essour" et Habib Bourguiba, militant politique visionnaire et futur premier président de la Tunisie indépendante.
Au delà de sa trame dramatique, ce film nous raconte des faits historiques qui se sont déroulés entre 1924 et 1934, l'une des périodes les plus décisives de l'histoire de la Tunisie moderne.
Je suis sortie de ce film complètement bouleversée, des sentiments de fierté, de nostalgie, et de tristesse se sont entremêlées pour me laisser dans un état second..
Il y a 70 ans à peine, des intellectuels, très jeunes pour la plupart, ont réussi par leurs visions avant-gardistes, par leurs contestations et leurs transgressions de l'ordre établi et de la culture dominante, à donner le nouveau visage de notre pays..
Cette liberté dont nous jouissons au jour d'aujourd'hui certains l'ont payé très cher: sortir, faire des études et travailler, c'était impensable pour une femme à une époque pas si lointaine que ça..Certains ont tendance à l'oublier, ce film a le mérite de rappeler que des gens comme Taher Hadded se sont sacrifiés pour combattre l'obscurantisme et la régression qui régnaient à l'époque..
Mieux qu'un cours d'histoire ennuyeux ou un cours d'éducation civique dont personne ne s'intéresse, Thalathoun rappelle aux générations star ac', tectonik et salons de thé qu'on peut être jeune et changer le destin de tout une nation..
Un slogan répété à maintes reprises dans le film "lé littajniss, twensa manech franciss" m'a particulièrement interpellé: que les temps ont changé! aujourd'hui on ferait n'importe quoi pour avoir la nationalité française quitte à se jeter dans la mer ou se marier avec une vieille peau...Serais ce une volonté du réalisateur pour interpeler les jeunes générations?
Les destins tragiques des principaux protagonistes (décédés à un très jeune âge)les érigent en véritables mythes alors qu'ils furent marginalisés, honnis voire bannis à leurs époque aussi bien par le colonisateur que par leurs concitoyens.
Ce film leurs rend hommage, un document vivant et savamment fait sur une époque écrite de frustration, de souffrance et de sang.
A voir absolument.


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